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Sociologie gauche et partielle de l'auto-stop

Sociologie gauche et partielle de l'auto-stop
Landscape at L’Estaque, George Braque, 1906, ©CC0 Public Domain Designation

(N.D.L.R : Cet article, écrit en Espagne, n'a jamais fait l'objet d'un post. C'est maintenant chose faite).

Quand on fait du stop, toutes les émotions vous traversent. La joie puis la tristesse, le soulagement puis la désillusion, la rage puis le ressentiment, le désespoir puis l'amour qui brutalement coule sur vous.

Dressons ici un portrait vague, confus et éminemment subjectif du vivier des auto-stoppés.

Image générée par une IA (elles sont partout, je vous avais prévenu !)

Il y a, ici et là-bas :

- Ceux qui plissent les yeux

- Ceux qui penchent la tête sur le côté, intrigués

- Ceux qui, par un effort réflexe, pressent leur lèvres pour exprimer un "désolé"

- Ceux qui ne comprennent pas ce que vous faîtes avec votre carton crayonné d'une ville quelconque "Roger, c'est un genre de performance artistique comme celles qu'ils font dans la grande ville ?"

- Ceux qui vous pensent comme une anomalie "Mais enfin cet homme n'a pas de voiture ? Quelle drôle d'idée l'a poussé vers cette déclinaison aléatoire, irrationnelle et infructueuse de la vie ?"

- Ceux qui cassent leur poignet en l’air pour dire « aller, arrête ça ! »

- Ceux qui sourient, à qui vous souriez, et qui sourient encore plus, engendrant un cycle bilatéralement alimenté menant au rire enfantin

- Ceux qui, buccalement encombrés d’un beignet, vous disent « grimpe », alors qu'il y a autant de place disponible dans la voiture que de Mc'Donalds en Antarctique (bientôt ils arrivent, pas d'inquiétudes)

- Ceux qui lèvent les bras synchrones comme pour dire "ahlala d'habitude je prends tout le temps des auto-stoppeurs, vraiment, j'en cherche même ! Mais là, je peux vraiment pas... Vraiment, quelle misère !"

- Ceux qui accélèrent pour répondre

- Ceux qui vous surveillent du coin de l’œil comme s'ils avaient peur que vous leur piquiez une frite

- Ceux qui transportent des sapins de Noël qui leur chatouillent les oreilles

- Ceux qui sont aussi attentifs à votre existence que si vous étiez une chien galeux dans un refuge pour adoption

- Ceux qui coupent court à toute tentative de complicité, faisant bouillonner en vous le désir de les faire bouillonner eux

Et puis y a ceux qui vous prennent et vous déposent, vous donne du thon en boîte, des biscuits, de la bière, un panettone, vous offrent un lit ou une place chez eux, maintenant ou dans 3 ans, vous donne des astuces, s'inquiètent, vous souhaitent le meilleur sans se rendre compte que le meilleur se vit à chacune de ces montées où ils vous racontent ce qu'ils sont et d'où ils viennent, ceux qu'ils auraient voulu être, ce qu'ils sont devenus quand même.

Merci à Erwan, Grégory, Faycal, Sarah et Jean-Louis, Manu, Yacine, Nicolas, Thomas, Boussif, Ahmed, Séverine et Florent, Adeline, Laurencio, Carlos, Mustafa et Hicham, Hassan et Laura, l'équipe de "Windsurfer", les ouvriers roumains, Damian, Dolorès et sa borne portative de loterie, Jorge, Efim le russe, Gabriel, Max et Christophe (et leur jeune aigle femelle de 4 ans que j'ai évidemment oublié de photographier), les deux amours d’institutrices en formation, Sara la maraîchère marocaine, Lula la capitaine de yacht et instructrice de plongée, los colombianos, Alen et Aziz, le chauffeur de bus marocain à la recherche d'une femme à marier, Léa, Camille, Eddy, Romuald, Alex, l'homme à la camionnette, toute la Dominique, où le stop est si simple, surtout en pickup où il faut serrer les dents, et un peu à la Martinique, même si elle a l'air d'avoir globalement peur du pouceux, et merci à tout ceux qui viendront.