Salento et l'eje cafetero : le paradoxe colombien
Le café en Colombie : une culture ancestrale face à la modernité
La Colombie, en peu de mots, se résumerait à : la diversité (biologique, ethnique, sociale, culturelle), l’abondance (d’eau, qui se tarit néanmoins, comme toute chose en ce monde, bêtise mise à part, salut à toi Donald), la violence (qui a fracture, lacère, consume à petit feu les communautés, les familles, le pays, et dont les cicatrices se ré-ouvrent constamment à mesure que de nouveaux évènements surgissent, comme récemment à Cucuta), la bonne humeur (qui est un des points fondamentaux de l’identité colombienne et leur permet de relativiser la violence, dont les manifestations cycliques mettent néanmoins à mal leur endurance) et le café.
Le café, voilà ce qui nous intéressera aujourd'hui ! Boisson énergisante psychotrope nous dit Wikipédia. La page nous dit aussi que la Colombie se place en 4e position de la production de ce dernier avec 720 634 tonnes produites par an en 2018 (vous pouvez trouver ici un article avec les chiffres mis à jour pour 2025).
L’immense majorité du café produit en Colombie est exporté aux USA, en Europe, ailleurs, et si vous voulez goûter du bon café colombien, pas besoin de faire des kilomètres : sortez tout simplement votre porte-monnaie et aller en acheter. Aller chez votre barista préféré, choisissez un bon arabica, choisissez votre méthode de filtration, accompagnez-le d'une part de carrot cake, et en avant Yvan.
Le paradoxe du café colombien
Parce que la loi des ressources naturelles répond à une logique implacable et à une règle fondamentale du capitalisme marchand qui conditionne la loi de l'offre et de la demande à la taille du paquet d'oseille qui l'accompagne, l’idée centrale qui contrôle le marché veut que plus vous avez d'argent plus vous pouvez acheter le stock.
Mais alors, me direz-vous, que boivent les colombiens puisqu'ils n'ont plus de café une fois la récolte envoyée à New-York ou à Munich ?
Eh bien figurez-vous que les colombiens boivent aussi du café, et quel café, puisqu'il n'est autre que le café de Nescafé, propriété de Nestlé, qui déshydrate le café pour le plaisir des badauds colombiens qui en prennent un avant d’aller bosser, après le repas, avant d'aller dormir. Le tinto, que j’évoquais dans l'article précédent, est partout. C'est la boisson populaire par excellence.
A l'instar du cacao, qui est envoyé ailleurs pour y faire du chocolat, le café est représentatif d'une logique agricole court-termiste, contre la sécurité alimentaire à long terme. C'est la même logique que dans beaucoup d'autres pays, notamment africains, ou les gouvernements décident d'importer du blé en masse au lieu de développer localement des filières alternatives (de sorgho ou de millet par exemple, cultivées depuis des millénaires dans ces territoires). La menace des cours fluctuant constamment enchaînent ces pays à des exportateurs qui bénéficient alors d'un pouvoir immense sur eux. C'est un paradoxe similaire que j'avais évoqué avec le maïs au Mexique.
Gardons la pêche néanmoins, le café, ça donne la patate, et les paysages proches de Salento la banane (excusez les analogies, je sors d'une préparation de salade de fruits, sans patates néanmoins).
Salento et la vallée de Cocora
Salento est un petit village de style colonial situé dans l’état du Quindío, dans l'eje cafetero (en français "le triangle du café") où chaque année, durant les deux premières semaines de janvier, la musique à fond (vallenato, cumbia, ranchera, au choix) inonde la place centrale pour célébrer un moment, un personnage, une idée.
Cette année, c’était un homme, présent dans toute la Colombie, le Venezuela, l’Équateur et bien d'autres pays encore. Son empreinte est si forte qu'on se demande s'il n’était pas le christ incarné. Cette année donc, les enceintes crachaient leurs watts pour Simon Bolivar et son passage libérateur il y a presque 200 ans déjà.
Avec Gwenn, Tito, Bryan et Candice (prononcez "Candicé" si vous êtes colombiens), groupe de joyeux français rencontrés sur la route, nous avons célébré "El Libertador" en dansant, buvant et mangeant de la "trucha", truite élevée localement.
Puis nous nous sommes rendus dans le Parque nacional natural Los Nevados pour admirer les palmiers de la vallée de Cocora dont on nous avait tant parlé. On est montés dans une Jeep, appelée "Willys", et alors qu'avec Tito on se cramponnait à l’arrière comme deux mafieux dans le Chicago des années 30, les pistolets-mitrailleurs Thompson en moins, le décor se révélait peu à peu quand la brume se dissipait. La vallée vert émeraude surgit et les plus hauts palmiers du monde nous toisaient, nous, petits humains d'1m80.
60 mètres pour les plus grands, nous dit l'un des chauffeurs de Jeep une fois arrivés au lieu de départ des randonnées. 60 mètres, ou 33,33 jeanjean.
Néanmoins, et je l'apprendrais plus tard grâce au documentaire "Colombia magia salvaje" que je vous conseille chaudement sur la luxuriante nature colombienne, la vallée comptait autrefois une foret primaire dense, et les grands palmiers sont les uniques survivants de cette période.
Après notre randonnée, nous sommes rentrés pour faire une dernière fois la fête dans la capitale de l'eje cafetero, avant de partir du petit village et poursuivre l'aventure.
Alors, Salento ?
Du café, des palmiers, du bon temps, des paysages dénudés et grandioses et des paradoxes, voilà ce que vous trouverez dans l'eje cafetero, reflet d'une Colombie aux multiples visages. À mesure que le voyage se poursuivra, et que certaines questions resteront sans réponse, l'émerveillement, lui, se faufilera toujours pour vous réchauffer les idées.
Prochaine étape : Cali, capitale mondiale de la salsa.
Je profite de cet article pour vous annoncer le lancement d'une chaîne Telegram, dédiée aux contenus vidéos et photos pris avec mon téléphone.
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