En Barranquilla se baila así
Retour dans la ville de Barranquilla, que j'avais découvert en septembre dernier avec ses trottoirs que percent des racines de grands arbres chevelus, sa statue de Shakira, attraction touristique le long de l'Avenida d'El Rio qu'empruntent camions et autos pour longer la côte caraïbe colombienne, et son parc zoologique d'une tristesse sans égal (une vidéo sera bientôt dispo sur ma chaîne Telegram, à moins qu'une backdoor ait été entre ouverte par quelques services de sécurité et ma chaîne compromise et ce pour "sortir la France du piège du narcotraffic", méthode peut-être pas si efficace puisque que Pablo S'esco-marre puis S'esco-barre sur une autre messagerie).
En temps normal, il ne se passe rien à Barranquilla, et s'il s'y passe quelque chose, c'est que vous n'êtes plus à Barranquilla mais à Santa Martha ou Cartagena (Carthagène en bon françois).
Il ne se passe rien et il n'y a rien à y faire. Les plages sont éloignées et médiocres, comparativement à celles des villes voisines et le charme inexistant ainsi que la chaleur qui pèse au quotidien sont des arguments supplémentaires pour ne pas s'y attarder plus de 5 minutes, le temps de prendre un tinto à la terminal de bus et de continuer sa route.
Mais dans l'ennui régulier que génère cette ville réside aussi son atout majeur. Car une fois venu le temps du carnaval de Barranquilla, les habitants, qui n'ont que cet espace pour exulter, s'en servent avec passion, exagération et, surgit des profondeurs de l'ennui, ils implosent en mille paillettes sur le trottoir.
Imaginez vous un quotidien banal, humide et chaud, à promener votre chien dans la rue (qui finira par fuguer en vous laissant une note vous incitant à faire de même et à vous éloigner le plus rapidement possible de cette "ville pourave" selon ses mots), et à rentrer du boulot le soir en rêvant, devant votre poster du carnaval, à ce qu'il advienne enfin.
Et puis un jour, alors que vous n’êtes plus qu'à quelques jours du carême, la date fatidique advient et, dans une explosion de couleurs et de vie, de musiques et de chants, de danse et d'alegria, votre vie se métamorphose.
Pendant 4 jours, vous n’êtes plus Pedro, comptable aseptisé et lugubre (un peu comme Mark S. de la série Severance) mais l'un des milliers de "Joselito", personnage emblématique du carnaval, représentant le sens de la fête, qui est ressuscité le premier jour de carnaval, pour mourir le dernier jour, dans une gueule de bois mémorable et une fatigue qui ferait passer les plus grands fêtards babyloniens pour des amateurs gauche de la science de la nouba.
Après deux jours de stop épiques au départ de Bogotá, j'arrive chez Jesús et Ady. Jesús est le frère de Jesika, que j'avais rencontrée il y a quelques mois à Barranquilla.
Son origine vénézuélienne et mon amour pour ce pays m'avait permis de familiariser rapidement avec elle, au point que quand je lui avais demandé conseil pour trouver un logement à Barranquila pendant le carnaval, elle m'avait dit, alors qu'elle voyageait en Égypte, : "si tu veux tu peux prendre ma chambre".
Nous avions pris un café pendant une heure avant mon départ pour le Canada en septembre dernier, et là, elle me laissait sa chambre. Le sens de l'accueil des latinos n'a d’égal que leur nourriture succulente et riche.
Je ne reconnais plus la ville que j'ai connu il y a plusieurs mois. Tout chante, tout danse, tout rit. Pas un coin de rue n'est déserté par la musique. Jamais, dans ma courte histoire, je n'avais vu autant d'investissement dans une fête.
Pendant 4 jours, la ville change de visage et, dans des bains de mousse et de nuages de maïzena (ou de talc, que l'on vous saupoudre, de préférence, sur le visage), irradie son monde de bonne humeur enfantine.
Les chars richement décorés des marques colombiennes comme l’opérateur de téléphone Claro ou la bière Aguila défilent aux côtés de groupes traditionnels venus de toute la Colombie.
Dans la rue, vêtus de leur plus belle chemise colorées, les habitants sortent leurs système son et envoient leurs compils persos de salsa, vallenato, reggaeton, cumbia pendant que leurs voisins sortent les glacières et les barbecues pour vendre des bières, des sodas, des brochettes ou des arepas aux touristes venus spécialement pour le carnaval.

Le carnaval de Barranquilla, deuxième plus grand carnaval du monde après celui de Rio de Janeiro, génère des millions pour la ville et constitue une source de revenus substantielle et attendue, chaque année, par ses habitants.
Depuis Soledad, les bus partant du terminal sont bondés, à chaque fois. J'ai l'impression d’être dans les transports japonais et il ne manque plus que les oshiya pour s'y croire totalement.

Avec Juliette, qui est venue faire un tour à Barranquilla pour le carnaval, et que je retrouve ici à Soledad car, en bonne pauvre bateau-stoppeuse qu'elle est, ses plans logement, comme les miens, se trouvent dans la zone la plus populaire de la ville, on sort la journée pour assister aux défilés du carnaval.
Le soir venu, on va danser la salsa sur n'importe quels rythmes. On rentre à Soledad, et le lendemain rebelote et ça, pendant 4 jours.
Le dernier jour, on assiste à l'un des derniers défilés marquant la mort de Joselito. Dans un excès de débauche, Joselito est de nouveau mort. Dans un an, il ressuscitera et viendra, de nouveau, nourrir la bonne humeur et la joie païenne, seul exutoire d'une vie à Barranquilla.

Commentez, partagez, faites connaître si vous aimez, pour que je revienne à Barranquilla chaque année pendant 4 jours afin de recharger mes batteries pour l’année entière.
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