4 min read

Carriacool

1/2
Carriacool
The Ocean, Harry Brodsky, 1945 ©CC0 Public Domain Designation

NDLR : Quand j'écrivais ces lignes, l'ouragan Béryl n'avait pas encore frappé l'île de Carriacou. Depuis, 98% de ses infrastructures ont été détruites et deux personnes ont perdu la vie.

Le premier ministre de Grenade, Dickon Mitchell, dont l'île de Carriacou dépend, a récemment déclaré après que l'ouragan ait ravagé l'île :

"Nous ne sommes désormais plus disposés à accepter les dommages significatifs, les pertes et la souffrance permanente dû aux changements climatiques, ainsi que la reconstruction année après année, tandis que les pays responsables de cette situation — et qui l'empirent — restent inactifs".

Si vous voulez donner pour aider, voici le lien de l'un des nombreux fundraising.


Qui aurait pensé que mettre son corps suant dans l'eau tiède tous les jours pouvait être la réalité la plus partagée du coin ? À Carriacou, dans la baie de Tyrrell, trois bains minimum sont conseillés par jour, dans l'eau tiède cristalline aux nuances de bleus, pour diminuer la température ressentie et, surtout, parce qu'on peut. Après avoir enduré Margarita, on se le permet.

Celui-ci arrive à point nommé

Emma et Guillaume sont parti. Ils ont trouvés un bateau pour Grenade puis Trinidad. De là, ils prendront le ferry pour le Venezuela. On reste donc à trois, Serge, Jules et moi, à attendre que le bateau soit sorti de l'eau pour procéder au nettoyage et à la maintenance. Serge est fatigué. Plus d'un mois qu'il ne fait que naviguer et comme un coup de massue, l'épisode Margarita, qu'il voyait comme l'île du repos, est venu en diable sournois lui extraire les quelques ressources qu'il avait épargnées sur la route.

Un pêcheur qui nettoie des poissons chirurgiens

Avec Jules, on prend notre temps pour barouder sur l'île. Je lui propose d'expérimenter le stop et on est pris facilement sur les routes sinueuses et souvent désertes de la petite île. Sur les hauteurs, un couple de grenadiens nous invite à boire un verre chez eux. L'accent british de Patricia dévoile son émigration. Née sur l'île, elle y est partie étant petite et à passée une grande partie de sa vie en Angleterre. Maintenant, elle est de retour à Carriacou pour profiter de la maison qu'elle à fait construire avec son mari Godson.

S'inspirer de la patience du pélican

On prend aussi notre temps pour faire les foufous, les jackass, les casse-cou. En rentrant dans la baie, on avait repéré un énorme bateau abandonné. On décide d'y aller. Arrivés en canoë, on observe la coque du bateau, que les coraux ont investi. On se met à l'eau et on passe en apnée à travers l'énorme hélice relié au moteur.

Et puis on le visite. Du fouillis, de la saleté, une paire de jumelles et une radio presque intacte, mais surtout, cet énorme bateau de pêche singapourien, que la rouille a rongé comme une vieille boite de haricots au fond d'un puits, nous sert de tremplin. À 8 mètres du sol, Jules fait des salto. Moins téméraire, je saute les pieds en avant.

Rouille land

Ça devient notre dada pendant plusieurs jours. On cherche des points de saut. On trouve un bateau à côté du nôtre, qu'on pense abandonné. On y grimpe, on s'y repose, on s'y détend, en regardant le soleil se coucher. Et puis un homme débarque, la rage aux dents, une barre de fer et un pistolet de détresse à la main. L'adrénaline monte brusquement. On finit par désamorcer la situation et les jours qui suivront, on en fera un totem de notre maladresse béate et enfantine.

Julio Knoxville

Et puis on croise Alex et Bruna. Les chemins qui nous font naviguer sont étroits et nous voit nous croiser souvent. En Martinique, où je les avais rencontrés, Alex m'avait dit "on ne peut pas te prendre maintenant mais si on te croise à Grenade, on te prend". Et ils tiennent promesse. Ils me proposent d'embarquer avec eux pour plusieurs jours, jusqu'à Los Roques, un archipel paradisiaque aux larges des côtes vénézuéliennes.

Badass wingfoil d'Alex

On embarque avec Jules pour une nuit à Sandy Island, puis on le dépose pour poursuivre vers White Island. Le lendemain, direction Grenade, en passant par Ronde Island, île déserte à quelques miles qu nord de Grenade. Des chèvres sauvages, des cocotiers et des sentiers qui mènent au sommet, pavés par des conques peintes en rouge : si j'étais capitaine du bateau, je m'y arrêterai deux semaines, pour explorer l'île de 8km2, qui, apparemment, est toujours habité. Je m'imagine déjà arpentant les coteaux escarpés de l'île, faisant la connaissance de "Jony Mony" anciennement John Mc. Dough, tradeur à la city londonienne, désormais marabout en chef du récif corallien et maréchal honoraire en charge du séchage des écorces de gommier rouge, une conque à la main, nu dans la brousse, criant :

"LA ​TORTUE ROUGE EST LE CHRIST RÉINCARNÉ".

Mystérieuse et magnifique

En attendant cette rencontre, on reprend la route de Grenade et on débarque quelques heures plus tard dans une baie proche...

La suite bientôt...

audio-thumbnail
Jules Robot
0:00
/8.74