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5 jours dans un bateau, qu'il fait beau !

5 jours dans un bateau, qu'il fait beau !
The brig Mercury encounter after defeating two Turkish ships of the Russian squadron (1848), Ivan Konstantinovich Aivazovsky, ©CC0 Public Domain Designation

On vient de finir les formalités de check-out. On remonte sur le bateau et c'est parti. Sur la berge, juste à côté de la pompe à essence, je vois Luisa et Ole venus me saluer. C'est peut-être la dernière fois que je les vois, j'espère qu'ils trouveront un bateau.

Les moteurs vrombissent et pèsent sur les tympans. Quelques heures après, je n'y pense plus. Ma nouvelle occupation : vomir toute l'eau de mon corps et tout ce qui aurait pu venir se fixer, m'alimenter, me donner un peu d'énergie. Mon cerveau ne veut rien savoir. Pour lui, ces secousses sont trop louches. Il préfère envoyer les signaux de crise : on évacue tout, ça pourrait être un empoisonnement, on n'est jamais sûr de rien.

Pendant 2 jours, je n'ai que ce seau avec qui discuter. Les courts encouragements d'Andy et de Sean sont souvent suivis de conversations inquiètes à mon sujet que j'écoute secrètement, quand mon cerveau m'octroie un peu de répit. Ils se demandent si je vais y arriver. Ils sont désolés pour moi mais un gars qui remplit des seaux, c'est pas très pratique sur un bateau. Évidemment, ils ont raison.

Arrive le 3ème jour et tout à disparu. Le seau que je m'appretais à porter en collier est loin de moi, sans que j'y songe. Quand j'arrive dans la cuisine, j'ai du mal à croire la personne que je suis devenu et les gars aussi. Ils ont péché un petit thon et je finis par en faire des pokés bowls pour le repas du soir. J'apprécie enfin la nourriture et les plaisanteries et la mer qui m'entoure et qui ne fait plus peur à ma tête, est désormais complice du voyage.

Sean et le bon thon

Au 4e jour, Andy décide d'arrêter les moteurs pour une baignade de nouvel an. Nous voilà 3 gamins le temps d'un saut depuis le toit du cata de luxe.

Le soir, des dauphins s'approchent du bateau et une heure plus tard, on aperçoit quelques "pilot whales" au loin, de tous les côtés.

Weeee

Le rythme est simple, enjoué, ponctué de parties d'échecs avec Andy, de yams tous ensemble et de "fucking tuna" qu'on relâche parfois tellement on en a trop et ras le bol de ce poisson.

Et puis enfin la terre, au loin, à peine visible pareil à un nuage qui sortirait de l'eau. On la devine plus qu'on ne la voit et à mesure qu'on s'en rapproche, elle vous fige. Ces pics abruptes, ces tobleronnes qui brillent au soleil couchant sur la mer sans plis, c'est ce genre de spectacle qui vous fait tenir les quarts de 3 heures du mât, les nuits difficiles, les mauvais jours, la fatigue, la monotonie et tout ce qui vous casse plus qui ne vous élève. Ces montagnes qui vous accueillent, c'est le secret de l'envie qui se renouvèle.

Tenerife

On y restera 3 jours. Puis on prendra la route du sud, direction le Cap-Vert. Les alizés sont très bas en ce moment, il faut descendre presque jusqu'à cet archipel pour ensuite prendre sereinement la route de l'ouest vers les caraïbes. 15 jours environ, le plus gros morceau. Il y a 4 jours, j'étais sûr de renoncer. La douleur physique et moral, l'assurance que la nav, c'était pas pour moi point barre, tout ça avait macéré et donner des réponses franches et honnêtes : le voyage au long court, ça sera l'avion, ça me scie les jambons, ça m'enquiquine menu mais tant pis. Et maintenant j'envisage de traverser l'océan Atlantique. J'ai l'impression d'être un sicilien des années 30, un Vito Corleone qui criera bientôt 'Mérica quand il verra la terre après tant de mer.

Mais avant l'ouest, le sud : Cap au Verde !